« Apollonia » : le nom de cette société immobilière est également celui de la plus importante escroquerie immobilière et financière que la France ait connue, avec un préjudice initial d’un milliard d’euros. Le stratagème d’écran mis en place par Apollonia et ses complices a conduit à un surendettement massif de particuliers, jusqu’à 8 millions d’euros pour certains d’entre eux. Alors qu’ils pensaient se constituer un patrimoine, ils ont ainsi perdu les économies de toute une vie et, pire, font même, désormais peser pour certains, leurs engagements sur leurs enfants.
Entre 1997 et 2009, la société Apollonia, basée à Aix-en-Provence a vendu plus de 5 200 logements, résidences de tourisme ou d’étudiants, avec le dispositif de défiscalisation « loueur en meublé professionnel » (LMP). La société a ciblé préférentiellement des professions libérales, à qui elle promettait que leur investissement serait couvert par la défiscalisation et les loyers. Pour les acheteurs, tout semblait indiquer qu’il s’agissait d’un investissement « parfaitement sans risque » permettant de s’assurer, en toute sécurité, un complément de retraite. Les représentants d’Apollonia se positionnaient en tant qu’intermédiaire et faisaient signer, de manière souvent agressive, des procurations avec un argument qui rencontrait les préoccupations des clients : leur faire gagner du temps en leur épargnant des formalités.
Ce n’est que tardivement que les victimes ont découvert que les biens avaient été largement surestimés (jusqu’à 6 fois la valeur du marché). Les loyers, également surévalués, ne pouvaient donc en aucun cas rembourser les multiples prêts (10 emprunts en moyenne par client) acceptés par des banques peu regardantes, avec qui les victimes n’ont jamais eu de relations directes.
Le scandale n’a cependant pas éclaté immédiatement, ce qui explique d’ailleurs les recommandations favorables faites par les premiers clients auprès de leur entourage. En effet, les avantages de la défiscalisation ont couvert pendant un temps les mensualités des emprunts, notamment grâce au remboursement de la TVA. Mais au bout de deux à trois ans environ, les réserves de TVA se sont épuisées et les mensualités d’emprunts se sont envolées. Les acheteurs ont alors pris conscience que, derrière le dispositif fiscal très favorable qui les avait incités à se lancer dans ces acquisitions, il se cachait une véritable escroquerie : les contrats se révélaient totalement déséquilibrés, les rentrées qui pouvaient être réellement attendues ne compenseraient jamais le poids de l’endettement souscrit.
Comment des banques se sont retournées contre les victimes.
Consulter les témoignages
Les règles prudentielles, visant à la protection aussi bien des emprunteurs que des investissements des banques ont été violées des centaines de fois, pendant des années, puisque l’obligation d’information des banques auprès des emprunteurs était contournée, ces derniers n’ayant aucun contact direct avec les organismes de prêts.
La procédure d’achat elle-même auprès des notaires était également menée par Apollonia pour le compte de ses clients. Les acquéreurs se sont donc engagés sans avoir cette garantie de conseil et de contrôle qu’apportent ces deux catégories de professionnels que sont les banquiers et les notaires.
Plus de 17 ans après le dépôt de plainte collective de l’Association Nationale des Victimes de l’Immobilier ASDEVILM, représentée par Maître Jacques Gobert, le parquet de Marseille a rendu fin 2021 son réquisitoire, attendu depuis janvier 2020. Celui-ci confirme la responsabilité pénale de certaines parties dont plusieurs notaires, accusés non seulement d’escroquerie en bande organisée, de complicité d’escroquerie, mais également de faux en écriture publique. Toutes les banques impliquées ont obtenu un non-lieu. Elles sont maintenant parties civiles au même titre que les victimes soutenues par l’ASDEVILM0
Si les victimes se réjouissent de cette avancée, elles regrettent cependant que la responsabilité pénale des banques n’ait, en revanche, pas été retenue. Alors que les prêts octroyés reposent sur des documents grossièrement falsifiés et considérés comme frauduleux par la première, certaines banques n’hésitent pas à continuer à exiger les remboursements des emprunts souscrits et des pénalités de retard. La situation de surendettement des victimes est parfaitement connue, ces banques les acculent un peu plus, alors qu’elles ont contribué à les mettre dans cette situation. Les saisies, approuvées par les magistrats au civil, et les pressions exercées ont conduit un grand nombre d’acquéreurs à la dépression, provoquant chez eux et dans leur entourage des maladies graves, des hospitalisations de longue durée, des invalidités, et même, la disparition tragique de certains.
Réquisitoire du parquet de Marseille : la justice doit faire preuve de cohérence.
Consulter le communiqué
14 personnes physiques et la société Apollonia (sous contrôle judiciaire depuis plus de 16 ans pour certaines) : 10 représentants d’Apollonia, 3 notaires et clercs de notaire, et un avocat. Seule la société Apollonia reste mise en examen en tant que personne morale.
Ce feuilleton judiciaire est loin d’être terminé. Le procès dit de l’affaire Apollonia s’ouvrira au tribunal judiciaire de Marseille à compter du lundi 31 mars jusqu’au 6 juin 2025 devant la 6ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Marseille. Les audiences se tiendront dans la salle « Procès hors norme » (PHN) sur le site de la Caserne du Muy, 21 rue Bugeaud, 13003 Marseille.
Au total, 15 prévenus, dont une société, un avocat, et trois notaires, comparaîtront pour des faits d’escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux, et blanchiment en bande organisée. 762 personnes se sont portées partie civile dans cette affaire et seront représentées par 110 avocats.
Les peines encourues par les prévenus sont synthétisées ci-dessous. En application du principe de non-cumul des peines, la peine maximale encourue par un prévenu est celle de l’infraction la plus sévèrement punie pour laquelle il est condamné. Parmi/ les peines complémentaires figurent notamment la confiscation du produit de l’in-fraction et l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ayant permis la commission de l’infraction.
: